Se lancer dans un projet d’entreprise à deux, entreprendre en couple, ou décider de créer une entité juridique commerciale ou d’acquérir les droits sociaux d’une société déjà existante, exprimer à un ami de longue date le fait de vouloir s’associer avec lui / elle pour une aventure commerciale constitue autant de challenges à plus d’un niveau :
- la complémentarité des savoir-faire est recherchée,
- la répartition des rôles doit être préalablement définie et conservée sur la durée,
- la validation de cette répartition peut être rappelée régulièrement,
- et sur le plan relationnel, bien s’entendre sur la durée n’est pas nécessairement chose aisée.
Pour l’ensemble de ces raisons, des associés de longue date peuvent se séparer de manière brutale et conflictuelle au fur et à mesure des années, de l’évolution de l’entreprise, des souhaits professionnels et personnels des deux associés et également du fait de leurs évolutions patrimoniales et matrimoniales. Les entreprises dites « bicéphales » constituent cependant de belles réussites commerciales et financières que fait de la complémentarité de les associés fondateurs opérationnels dont les compétences techniques, commerciales et managériales se complètent.
Entreprendre en couple : Un défi à relever
Entreprendre en couple représente un défi supplémentaire et bon nombre d’entreprises notamment commerciales fonctionnent sur ce schéma simple et compréhensible sur le plan de certains impératifs d’organisation : le conjoint du chef d’entreprise peut se trouver « libre », souhaiter exercer une fonction au sein de l’entreprise de l’époux / l’épouse, en apportant un savoir-faire spécifique et complémentaire : il s’agit non seulement de bien s’entendre sur le plan professionnel mais encore sur le plan privé et familial.
Tels en sont les enjeux et cet équilibre privé – professionnel est à entretenir chaque jour mais il peut s’en trouver affecté lorsque le conflit conjugal surgit. Lors du lancement de la société pouvant être ainsi qualifiée de « familiale », dans le cadre notamment des commerces de proximité même si cela concerne également tout type d’entreprise, rappelons que les statuts des époux doivent être clairement définis et compris par l’époux et son conjoint :
- Qui est titulaire des droits sociaux ?
- Les époux doivent-ils être nécessairement égalitaires au sein de la société ?
- Qui exerce la gérance, la présidence ou la direction générale de la société ?
- Quels sont les rôles, les missions à répartir entre les deux époux ?
- Quelles sont les délégations de pouvoirs à mettre en place ?
- Doit-il exister obligatoirement un contrat de travail pour le conjoint et donc un lien de subordination entre les époux ?
- Ce lient de subordination peut-il être bien accepté sur le plan professionnel alors que bien sûr, dans la sphère de la vie privée et familiale, un tel lien n’est pas concevable ?
- Mais comment faire coexister un lien de subordination dans le domaine professionnel ?
Qu’arrive-t-il en cas de divorce ?
Lorsque l’un ou l’autre des époux est effectivement titulaire d’un contrat de travail au sein de la société de son conjoint, il est fréquent dans une procédure de divorce amiable ou contentieuse qu’une rupture conventionnelle soit mise en place. Cette rupture conventionnelle matérialise la fin de la collaboration à deux dans l’entreprise, elle est la conséquence de la mésentente du couple qui aboutit au divorce.
Avant que ne survienne celui-ci rappelons que le statut de « conjoint collaborateur » se défini comme le statut du conjoint (il peut s’agit d’un mariage, d’un pacs ou d’un concubinage) d’un chef d’entreprise de nature commerciale, artisanale, industrielle, médicale ou libérale, qui exerce, dans les faits, une activité professionnelle régulière au sein de la société sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé de l’entreprise. Le statut du « conjoint salarié » est celui qui, comme le libellé l’indique, procure un contrat de travail et donc un lien de subordination au conjoint du chef d’entreprise.
De manière générale, au fil des années, que deux entrepreneurs collaborent au sein de la même entreprise qu’ils ont créée ou rachetée, que deux époux participent au quotidien à l’activité de la société (avec le statut de conjoint collaborateur, de conjoint salarié ou de conjoint associé), la survenance de la mésentente peut compromettre l’équilibre social, commercial et financier de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle, le conflit déclaré ou larvé est à considérer rapidement afin de faire en sorte que, au-delà de l’inévitable rupture et séparations des deux parties, l’entité juridique de l’entreprise perdure et puisse continuer à réaliser, à développer son objet social.
Comment estimer la valeur financière de la société ?
La détermination de la valeur financière de la société et des droits sociaux composant son capital social concentre alors le contentieux professionnel et personnel. C’est la raison pour laquelle les associés, les époux associés peuvent solliciter une mesure d’expertise en sollicitant un professionnel du chiffre, un « technicien », spécialisé en évaluation d’entreprises et de droits sociaux. L’article 1843 – 4 du Code civil indique :
« I Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties ».